Histoire d’une certification industrielle.
8 février 2023
#1. Histoire d’une certification industrielle.
La naissance en 1964 d’un label européen en faveur de l’usage de l’aluminium dans l’architecture
Le contexte de la reconstruction
L’histoire de ce label s’inscrit dans le contexte de l’après Seconde Guerre mondiale. Face aux enjeux de la reconstruction et d’une croissance retrouvée, les industriels européens de l’aluminium décident d’institutionnaliser leurs coopérations en vue notamment de développer les usages de l’aluminium sur leurs marchés. C’est la naissance au début des années 1950 du Centre international pour le développement de l’aluminium (CIDA). Sous la forme d’une association de droit français, le CIDA regroupe les organisations interprofessionnelles du secteur de l’aluminium de huit pays : République fédérale d’Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, Suisse, Autriche, Royaume-Uni et Suède. Son objectif est de favoriser les échanges d’expérience et d’informations entre ses membres tout en privilégiant une approche collaborative dans les études sur le matériau et son utilisation. Pour cela, il s’organise en commissions permanentes ; l’une d’entre elles s’intéresse tout particulièrement à l’architecture. Il faut dire qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le marché du bâtiment renferme d’importantes opportunités de croissance pour les industriels de l’aluminium.L’aluminium et le marché du bâtiment
Jusqu’à présent, le matériau a peu été utilisé dans ce secteur, si ce n’est dans quelques réalisations monumentales ou comme élément de décoration. Or les besoins de l’après-guerre sont considérables dans le secteur du bâtiment et l’aluminium entend bien participer à la modernisation de l’habitat et de l’immobilier collectif. En ce domaine, son usage se situe dans ce qui est qualifié de second œuvre – par opposition au gros œuvre qui traite des structures – : façades légères, murs rideaux, couvertures de toit et surtout menuiseries, c’est-à-dire portes, fenêtres et vérandas.Si l’aluminium dispose de sérieux atouts que lui confèrent sa légèreté et sa durabilité, sa place au début des années 1950 est marginale voire anecdotique en Europe dans les menuiseries. Pour les industriels, il s’agit alors d’organiser un marché, de standardiser leurs produits et de les adapter aux contraintes du secteur du bâtiment. À ce sujet, une des problématiques rencontrées est celle du traitement de surface des éléments architecturaux en aluminium afin de les protéger contre les intempéries et la corrosion. C’est le procédé de l’anodisation qui apporte une telle protection par la constitution d’une couche d’oxyde sur les surfaces. Autre avantage et non des moindres, l’anodisation assure une finition esthétique aux produits tout en rendant possible leur coloration par l’ajout de pigments.
Les enjeux de l’anodisation : Les préconisations deviennent certification européenne
Dans les années 1950, le procédé est connu et déjà utilisé notamment en orfèvrerie, dans les arts ménagers et pour la réalisation de meubles d’intérieur. Toutefois les techniques en vigueur ne sont pas nécessairement adaptées aux contraintes du secteur du bâtiment. Le CIDA se saisit alors du dossier et mène au cours des années 1950 une série de travaux autour de l’anodisation. L’enjeu est de définir une série de préconisations – tant pour l’application du procédé que sur la nature des alliages les plus appropriés – afin de garantir la qualité des menuiseries et autres éléments en aluminium et cela dans la durée ; il s’agit d’une dimension essentielle pour l’architecture et le bâtiment. Il en va ainsi de la capacité du métal léger à se développer sur ce marché. Les travaux du CIDA sont relayés par l’European Wrought Aluminium Association (EWAA) – organisation professionnelle des industriels européens de la transformation de l’aluminium. Sur la base des spécifications techniques élaborées par le CIDA, EWAA ambitionne de créer un label européen. Il serait attribué aux industriels respectant un cahier des charges précis en matière d’anodisation des pièces destinées à l’architecture. Après avoir édicté des préconisations, la profession se tourne ainsi vers une démarche fondée sur la certification à l’échelle du marché européen. Finalement, en 1964, EWAA dépose à Zurich, lieu de son siège, un label matérialisé par une marque « Anodisation architecturale conforme aux spécifications EWAA » qui pourra être appliquée sur les produits répondant à la norme édictée.
La gestion du label en France : la création d’ADAL en 1965
Dans la gestion de cette certification, EWAA choisit d’en déléguer l’attribution et le contrôle à des organisations nationales. En France, une association voit le jour en vue de prendre en charge ce nouveau label, l’Association pour le développement de l’anodisation de l’aluminium (ADAL). Son originalité repose sur la présence comme membres fondateurs des principaux groupements professionnels concernés, de la production du métal jusqu’aux produits finis. Ils sont au nombre de quatre :
– L’Aluminium Français (ancêtre d’Aluminium France)
– Le Groupement des lamineurs et fileurs d’aluminium (affilé à la Chambre syndicale des métaux)
– Le Groupement des constructeurs anodiseurs de menuiserie
– Le Syndicat national du revêtement et du traitement des métaux
Créée il y a près de 60 ans, ADAL est toujours active aujourd’hui, preuve de la pertinence de la stratégie portée par les producteurs européens à partir des années 1950. Entretemps, l’aluminium a fait son chemin dans le secteur du bâtiment en France et en Europe. Pour les portes et fenêtres, il rivalise avec les autres matériaux, représentant un quart du marché européen. Sa part est encore plus importante sur le territoire français avec 38 % des portes, fenêtres et fermetures produites contre 32 % pour le PVC et 17 % pour le bois. La France est ainsi devenue le premier producteur européen de menuiserie en aluminium.